Conception : Jean-Baptiste Droulers, Esther Mollo, Ricardo Monserrat
Maison Folie Beaulieu, Lomme 2013
Jean-Baptiste Droulers : co-direction, création sonore et vidéo en temps réel
Mary Shelley fut une femme au destin exceptionnel, fille de William Godwin, grande figure du radicalisme libertaire de la fin du 18°siècle et futur « gourou » des plus politiquement extrêmes parmi les romantiques et de Mary Wollstonkraft, essayiste pré-féministe et auteure du célèbre « A Vindication of rights of woman ». Enfant, Mary baigna dans un univers culturellement très riche et des plus anticonformistes. Chez son père elle rencontre et écoute les plus grands auteurs de son temps, Coleridge, Lamb et surtout Percy Bysshe Shelley qui deviendra l’homme de sa vie. A 19 ans, elle écrit Frankenstein, le premier best-seller de l’histoire de l’édition et le premier livre de science fiction de l’histoire de la littérature. Son œuvre questionne à la fois l’art et la science : la création et le rapport du créateur avec l’œuvre, la pérennité et l’indépendance de cette dernière, mais aussi l’éthique de la recherche scientifique.
Aujourd’hui, la fabrication de l’humain n’est plus imaginaire : procréation artificielle, manipulations génétiques, chirurgie esthétique donnent à la science les pouvoirs que Mary avait anticipé. Le point de départ de notre projet a été de se demander à quoi rêverait Mary Shelley aujourd’hui dans une société où le corps, en particulier celui de la femme, est le terrain de fantasmes et de manipulations sans limites.
Un corps idéal ? Un corps muet, complaisant, conformiste? Et quels seraient les monstres du 21ème siècle ? Pour creuser ces questions nous avons imaginé un voyage dans le labyrinthe de l’esprit d’une Mary Shelley moderne à la recherche du Monstre. Ce voyage prendra la forme d’une performance solo qui relie travail corporel, matière vidéo, matière textuelle et matière sonore. Ces quatre éléments, corps images texte sont les ingrédients d’une écriture dramaturgique «plurielle».
Compte tenu de l’interdépendance de ces quatre éléments, l’écriture ne peut se faire que de manière simultanée. L’avancée sur un élément alimente les trois autres : de la matière textuelle découle la matière sonore, de la matière sonore découle le travail corporel, du travail corporel découle la matière vidéo, de la matière vidéo découle la matière textuelle et ainsi de suite… Tout s’écrit quasiment dans le même temps… Il s’agit donc ici d’un procédé plus proche de l’écriture chorégraphique que de celle du théâtre classique. À Ricardo Montserrat, auteur de théâtre et scénariste, est confiée l’écriture de la matière textuelle qui pose Mary Shelley et son monstre dans un contexte contemporain. Pour Ricardo, l’écriture pour la scène est très singulière et a besoin de se nourrir du plateau pour se construire. Quoi de plus adapté à ce projet ?
L’axe central du projet est donc la représentation de Mary Shelley en train d’écrire et la relation qu’elle entretient avec ses idées et ses états de pensée. Cette relation est des plus dynamique : la pensée environne, échappe, pousse, submerge, se cache, etc. Pour la réalisation scénique, nous avons choisi un dispositif interactif dans lequel le corps de l’interprète est mis en relation avec des images fixes et en mouvement. Ces images sont tour à tour partenaires, antagonistes, scénographiques.